La vie de Maryse Bastié est un véritable roman d’aventures. Femme de courage et de convictions, elle a enchaîné les records, chacun plus impressionnant que le précédent, tout en surmontant de terribles épreuves personnelles. Tragique et écourtée, son existence reste marquée par une volonté farouche de briser les barrières, à la fois sociales et aériennes. Si son nom est aujourd’hui trop souvent oublié, elle demeure une figure emblématique et profondément féministe de l’aviation française.
Née en 1898 à Limoges, dans une famille modeste, Maryse grandit dans la pauvreté. Orpheline de père à onze ans, elle travaille très jeune comme ouvrière dans une usine de chaussures, gagnant à peine 25 centimes par jour. Mariée trop tôt à un apprenti peintre, elle devient mère d’un petit garçon, Germain, avant de se retrouver rapidement seule. En 1916, son frère meurt à Verdun. Maryse, désormais sans soutien, ne cède pourtant pas au découragement.
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Manufacture de chaussures à Limoges |
C’est en rencontrant le lieutenant Louis Bastié qu’elle découvre l’aviation. À 20 ans, elle prend son premier vol. Le couple s’installe près de Bordeaux, où Maryse décroche rapidement son brevet de pilote à l’aérodrome de Bordeaux-Teynac. Une semaine après, elle vole sous le pont de Bordeaux en construction avec son Caudron G.3 (le modèle avec lequel Adrienne Bolland traversait les Andes). En novembre 1925, elle réalise son premier vol de Bordeaux à Paris, seule à bord d’un biplan, une ascension fulgurante.
Mais le destin frappe encore : en 1926, Louis Bastié meurt dans un accident d’avion. Maryse décide alors de tout miser sur l’aviation. Elle passe son baccalauréat, devient instructrice de vol et se lance dans les meetings aériens et les tentatives de records pour gagner sa vie.
La pionnière des airs
En 1929, l’État reconnaît enfin ses mérites : elle reçoit une prime de 10 000 francs, efface ses dettes, et entame une impressionnante série de records :
Premier record féminin de distance (1 058 km entre Paris et
Treptow, 1929)
Record international d’endurance de vol pour une femme
(26h44)
En 1930, vol en solo de 38 heures sans escale (2 976 km)
malgré la faim et l’épuisement – elle se vaporise de l’eau de Cologne dans les
yeux pour rester éveillée
En 1931, elle est décorée de la Légion d’honneur et devient
la première femme à recevoir le prestigieux Trophée Harmon.
Maryse Bastié à Antibes
Au début, le seul lien de Maryse Bastié avec Antibes était son travail : pilote d'essai, elle décollait de la Base Aéronavale d’Antibes, aujourd'hui le port de plaisance Vauban, pour des vols en haute altitude avec des hydravions. Elle aimait particulièrement Antibes et aussi Cannes – une rue porte même son nom. Voler des prototypes d’hydravions nouvellement développés était un métier de rêve dans les années 1920 et 1930 – surtout pour une femme ! Dans un domaine dominé par les hommes, elle pilotait des avions sophistiqués, comme celles du constructeur Bernard – avec des centaines de chevaux. Et tout cela en salopette de pilote, à une époque où il était encore interdit aux femmes de porter des pantalons.
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Base Aéronavale d'Antibes |
Tragédies, exploits et engagements
Elle poursuit ses exploits : en 1932, elle signe avec le constructeur Potez pour livrer des avions à travers l’Europe. Mais en 1935, son fils meurt du typhus dans ses bras. Pour surmonter cette douleur, elle se lance dans un défi immense : traverser l’Atlantique Sud en solitaire. En 1936, elle relie Dakar à Natal (3 000 km) en 12 heures, sans radio, à bord d’un Caudron-Simoun qu’elle baptise Jean Mermoz.
Engagée politiquement, elle soutient Louise Weiss dès 1934 dans
son combat pour le droit de vote des femmes en France, aux côtés d’Hélène
Boucher et Adrienne Bolland. Louise Weiss s'était présentée symboliquement en
tant que femme aux élections législatives de 1936. Léon Blum lui a proposé un
poste ministériel la même année, mais elle le décline : « Je voulais être élue,
pas nommée. »
En 1937, elle réalise une tournée triomphale en Amérique du Sud, traversant les Andes à 6 000 mètres d’altitude en un peu plus de deux heures.
En temps de guerre et après
Après la guerre, elle devient la première femme commandant dans les Forces françaises libres et commandeur de la Légion d’honneur. En 1951, elle travaille au service des relations publiques du Centre d’essais en vol.
Une fin tragique pour une femme libre
Le 6 juillet 1952, Maryse Bastié trouve la mort lors d’un
meeting aérien à l’aéroport de Lyon-Bron. Elle se trouvait à bord d’un
prototype du Noratlas-Nord 2501, qui s’écrase à la suite d’une erreur de
pilotage. Elle est inhumée au cimetière du Montparnasse. Son tombeau, orné de
la sculpture d’une femme sous un aile, symbolise la beauté, la puissance et la
singularité de son destin.
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Tombe de Maryse Bastié cimetière du Montparnasse à Paris |
Maryse Bastié n’était pas seulement une aviatrice
d’exception. Elle était une combattante. Une pionnière. Une femme libre dans
les airs comme sur terre.
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