La Provence, au lendemain de la mort de l’empereur Théodose en 395, fut le théâtre d’une époque sombre, marquée par la famine, les inondations, les récoltes perdues et la peste. C’étaient les heures les plus noires de l’histoire, et elles semblaient vouloir s’éterniser…
Puis vinrent, en l’an 711, les invasions sarrasines. Après avoir vaincu le roi wisigoth Rodrigue et franchi le détroit de Gibraltar, les Maures déferlèrent sur les terres du sud. En 730, ils prirent la forteresse de l’île Saint-Honorat, sur l’archipel de Lérins, massacrant cinq cents moines dans une violence indicible, avant de se répandre dans la région : pillant, brûlant, violant.
La ville d’Antibes, ancienne et fière, tremblait à leur approche
Ce n’est qu’en 732, à Poitiers, que Charles Martel parvint à repousser l’envahisseur. En Provence, le moine Eblon, messager de Charles, réunit les troupes locales grâce à son éloquence, et les seigneurs de la région envoyèrent leurs hommes au combat.
Parmi eux vivait, dans l’Antibes médiévale, un chevalier du nom de Martel. Il s’était distingué par sa bravoure face aux Sarrasins, et jouissait d’une grande renommée. Avec ses compagnons d’armes, il avait fait le serment solennel de ne jamais prendre femme tant que l’ennemi ne serait pas totalement banni de sa patrie bien-aimée.
Mais le destin aime à défier les vœux les plus sacrés
Un jour, Martel croisa une jeune femme. Elle se tenait devant lui, le regard baissé. Il leva doucement son menton, croisa ses yeux, et fut saisi. Il la reconnut, d’abord avec stupeur, puis avec une émotion irrépressible : cette beauté ensorcelante n’était autre que Sarah, la fille du chef maure. Son visage, empreint d’innocence et illuminé d’un sourire délicat, le regardait avec une tendresse désarmante.
Ce fut l’éclair d’un amour absolu, un de ces coups de foudre
qui balaient le temps, l’espace et les serments. Sans un mot, il caressa ses
longs cheveux noirs et soyeux. Elle posa sa tête contre sa poitrine. Le monde
sembla s’arrêter.
Mais soudain, le ciel s’assombrit. Un éclair déchira les
cieux, suivi d’un tonnerre fracassant. Ramené brutalement à la réalité, Martel
réalisa l’impossible : cet amour naissait entre deux âmes issues de mondes
ennemis. Déchiré, il repoussa l’élan de son cœur, tourna les talons et
s’enfuit, fidèle à son serment. Non, jamais il ne reverrait Sarah.
Pourtant, une douce soirée d’été, il la retrouva, près d’un puits. N’y tenant plus, il se jeta à ses pieds, brisé par l’amour. À cet instant, la terre s’ouvrit, une faille béante les emporta tous deux dans les flots de la mer. On ne les revit jamais.
A Juan-les-Pins, juste derrière la Pinède, un petit parc
boisé porte aujourd’hui encore leur mémoire : le parc Saramartel. Il est niché
entre les villas aux influences mauresques et provençales des avenues d’Alger,
d’Oran et de Constantine, bordé à l’ouest par l’église Notre-Dame-de-la-Pinède
et à l’est par une synagogue.
Et chaque fois qu’un jeune couple, de cultures différentes, s’assied timidement sur un banc du parc, main dans la main, l’histoire de Sarah et Martel semble murmurer à travers les branches… une histoire d’amour impossible, mais éternelle.
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